Résumé de la discussion du café-philo du 18 octobre 2025 animé par Bernard
La question était : « Quand puis-je dire ‘je sais’ ? » Cette question cache une inquiétude.
Face aux choix de vie, aux décisions politiques, comment savoir qu’on sait vraiment ? Peut-on éliminer le doute ? Qu’est-ce qui fait qu’à un moment, on peut affirmer : « je sais » ?
L’exploration commence par le mot « quand » lui-même. Il implique une dimension temporelle : on accumulerait des preuves jusqu’à atteindre un seuil. Mais combien de preuves faut-il ? Qui décide ? Et puis, il y a les évidences immédiates, ces choses qu’on sait « tout de suite ».
La question elle-même présuppose qu’il est possible de savoir – mais peut-être y a-t-il des choses qu’on ne peut jamais savoir.
Une première distinction émerge : le « savoir interne » contre le « savoir externe ». Le savoir interne, c’est le ressenti : « Je sais que j’ai mal », « Je sais que je suis assis ». Ce savoir semble incontestable. Mais même là, ça se complique. Les membres fantômes montrent qu’on peut ressentir une douleur dans un membre qui n’existe plus. Un médecin peut contredire le ressenti : « Vous n’êtes pas fatigué, vous êtes déprimé. »
Le savoir externe porte sur le monde. Pour le construire, il faut d’abord un consensus minimal : la table existe, nous voyons la même chose. À partir de cette représentation commune, on construit progressivement. La méthode scientifique maximise la certitude, minimise la subjectivité. Mais peut-on vraiment dire « je sais » de manière définitive ?
Un clivage traverse le groupe. Pour certains, on ne peut jamais vraiment savoir. Le doute doit rester ouvert. L’histoire des sciences montre que les certitudes d’hier deviennent les erreurs d’aujourd’hui. D’autres objectent qu’il existe des faits établis : la terre n’est pas plate, le théorème de Pythagore est vrai. Ce sont des savoirs prouvés.
Quelqu’un propose une approche plus pragmatique : plutôt que « quand sait-on ? », demandons « pourquoi a-t-on besoin de savoir ? » Le savoir répond à des objectifs : survivre, agir, choisir. Mais l’intervention reste confuse et crée plus de questions qu’elle n’en résout.
C’est alors qu’une synthèse émerge, distinguant « savoir d’usage » et « savoir objectif ». Le savoir d’usage est pragmatique, fonctionnel. « La terre est ronde » suffit pour naviguer, même si c’est une simplification. On peut dire « je sais » dès qu’on a atteint un consensus scientifique ou un consensus social suffisant pour agir. Ce savoir n’est pas absolu mais assez solide pour s’y fier. Le savoir objectif serait la correspondance parfaite avec la réalité, indépendamment de nos perceptions. Mais y accède-t-on jamais ? L’exemple des couleurs l’illustre : qu’est-ce que le bleu, objectivement ? Une longueur d’onde qui n’est « bleue » que pour notre cerveau.
Cette distinction réconcilie les positions : on n’atteint peut-être jamais le savoir objectif absolu, mais on peut atteindre un savoir d’usage légitime et suffisant.
À la fin, les participants proposent leurs maximes : « je ne sais rien et ça me va bien », « le savoir n’est pas possible sans les autres ».
On n’a pas trouvé de réponse simple. Mais on a cartographié le territoire, distingué les types de savoir, identifié leurs conditions et limites.
Personne ne peut dire avec certitude « maintenant je sais quand je sais ». Mais tous comprennent mieux pourquoi c’est si difficile. Et c’est déjà, peut-être, une forme de savoir.