Doit-on agir en fonction de l’image que les autres se font de nous-même ?

[Bernard]

Discussion du samedi 25 octobre 2023, dont le titre complet était : “Doit-on agir en fonction de l’image que l’on se fait de nous-même ou bien de celle que l’on imagine que les autres attendent de nous ?”

Introduction
La première interrogation a porté sur la crainte que l’on aurait, par conformisme social, de ne pas correspondre à l’image que les autres attendent de nous. Mais cette image nous n’y avons pas accès, nous l’imaginons en interprétant les réactions des autres à notre égard.
Au fond, la question n’est-elle pas : Sommes-nous définit par les autres (à travers l’image qu’ils se font de nous) ou bien par nous-même (à travers l’image que chacun se fait de lui-même) ?

A partir de quelle image de nous doit-on agir ?
Mais la question porte sur l’action, c’est une question éthique (elle commence par « Doit-on agir ? »). Elle nous interroge : quels doivent être les critères de nos actions, les valeurs sur lesquelles nous nous appuyons pour agir ? Car l’image que je me fais de moi-même est fonction de mes valeurs. Mais l’image que les autres se font de moi peut être différente, voire opposée.
Mais en réalité l’image que je me fais de moi-même, et que je pense montrer aux autres, n’est jamais indépendante de l’image de moi que me renvoie les autres. Ne sommes-nous pas d’ailleurs entièrement construits par les autres, par le regard des autres ? En dehors de nos déterminations génétiques, et, depuis notre vie intra-utérine puis notre éducation dans notre famille et par l’école, l’image que nous nous faisons de nous-mêmes n’est-elle pas en grande partie les résultats de ce que les autres nous renvoie de ce qu’ils perçoivent de nous-mêmes ? Dès lors nos actions ne sont-elles pas toujours « intéressées » dans le sens où nous en attendons toujours une certaine reconnaissance de la part des autres ?

Agir en accord avec soi-même ou jouer un rôle social
Et par ailleurs je peux vouloir, comme un acteur qui joue un rôle, montrer de moi une image qui ne correspond pas à ce que je suis vraiment (c’est-à-dire à l’image que je me fais de moi-même). Je peux jouer le rôle d’une personne généreuse, avoir l’air généreux, alors que je ne le suis pas. La question est ici celle de l’authenticité : Dois-je toujours agir en accord avec moi-même, avec l’intention de me montrer tel que je suis ? Ou bien dois-je me demander avant d’agir quelle image mon action montrera de moi aux yeux des autres et ajuster alors mon action en fonction de l’image que je souhaite montrer de moi. Mais en réalité dans le regard de l’autre, seule compte pour lui l’image qu’ils perçoit de moi, et qui me définit à ses yeux, que cette image soit conforme à ce que je suis, ou bien qu’elle ait été construite à dessein par moi, que je m’efforce d’être authentique ou que j’agisse par calcul. Ainsi, avoir l’air généreux ou être vraiment généreux est identique aux yeux des autres. (Mais la question que nous nous posons ici est une question qui concerne chacun de nous dans ses rapports avec lui-même : question éthique)

Construire son autonomie
Entre ces deux extrêmes, qui sont, d’une part se conformer dans notre action à l’image que l’on pense que les autres se font de nous, image correspondant généralement aux normes sociales et morales ayant cours dans la société, et d’autre part s’efforcer d’agir toujours en accord avec soi-même, il y a un juste milieu à trouver. Entre s’adapter totalement à notre environnement social, au risque de se « dépersonnaliser », ou s’en défier entièrement au nom de son authenticité et de sa liberté, au risque de perdre tout lien avec les autres, il y a probablement un compromis à trouver, un compromis où l’on resterait fidèle à soi-même, sans compromission qui nous ferait renier nos valeurs.
Mais, cultiver une certaine adaptabilité sociale, n’est pas nécessairement contradictoire avec la recherche de l’autonomie. L’image de soi que l’on se construit, (et que par conséquent l’on accepte de montrer aux autres), peut être faite de cette adaptabilité sociale, tout comme de notre indépendance par rapport aux normes sociales dominantes.
Mais pour construire ce compromis (difficile) entre la fidélité à soi-même et le respect des normes sociales, il nous faut d’abord travailler inlassablement à nous connaitre nous-mêmes, et pour cela savoir se détacher temporairement du regard des autres. Cette recherche de la vérité sur soi-même, peut ainsi nous amener à nous interroger sur notre façon d’être authentique : Est-ce agir spontanément, par instinct, ou bien est-ce contrôler nos passions et nos instincts par notre raison ?
Une autre façon aussi de formuler cette question est de considérer que la recherche de l’authenticité, consiste à reconstruire en permanence, suivant en cela notre instinct de conservation, un surmoi qui nous protège, en fonction des environnements nouveaux où nous nous trouvons.

Une société qui permet l’autonomie de chacun:
La question nous met face au dilemme sur le comportement à adopter pour l’action : S’efforcer d’être authentique ou bien accepter de s’adapter aux normes sociales. C’est une question éthique. Mais on peut en voir le coté politique : quelle serait la meilleure organisation sociale pour que ces deux attitudes individuelles ne soient plus un dilemme pour chacun, et que chacun puisse ainsi rester fidèles à lui-même tout en s’adaptant aux normes sociales. Une réponse, mais sans doute pas la seule, serait de travailler à une plus grande acceptation par chacun des nécessités de la vie en commun. Ainsi, développer pour chacun la capacité à se laisser altérer, c’est-à-dire se laisser changer par les autres, permettant ainsi de rapprocher l’image que nous nous faisons de nous-mêmes de l’image que les autres s’en font.

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